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LégeR CoMMe L'EgéE
30 octobre 2006

mazi

parosUne fois dans l'hiver, pour Noel, je vais à Athènes. J'aime cette ville, je m'y sens bien. C'est une pieuvre, une ruche à flot, la frontière impalpable entre l'orient et l'occident. Vangelis m'attend sur le quai avec sa vespa rouge; son visage s'éclaire et ses yeux gourmands se plissent lorsqu'il me voit descendre du pont. Il rit en me caressant la joue, il rit tout le temps. "elà; pame tora, pascalitsamou" . J'aime sa pudeur. Nous n'avons jamais le temps de prendre le temps de nous retrouver, la famille nous attend à Kessariani. C'est une famille issue de la diaspora Turque; lorsqu'ils sont rentrés en Grèce, tous leurs papiers ont été brûlés. Du coup, yaya, la grand-mère, ne sait pas quel âge elle a exactement. Kessariani est un village en plein chaos citadin, là vivent tous les Grecs issus de la diaspora, autour du fameux mur contre lequel ont été exécutés les innocents. Dans ce quartier, les anciens jouent au Tavli sur le trottoire, les marchands de koulouria parlent fort, la marmaille court dans des rues sans voitures, certaines d'entre elles ont encore des puits creusés dans la chaussée. Les ouvriers ont étalé le bitume autour. La famille de Vangelis est un joyeux patchwork de femmes coloriées, elle m'accueille toujours avec des cris, des bruits de gamelle, des rires comme des colliers de grosses perles. Quel que soit le jour où j'arrive, elle a préparé un Dimanche.

Nous montons les marches qui mènent à l'appartement et j'entends des pas précipités, la porte s'ouvre sur un bourdonnement d'huile d'olive, de miel, de sucre et d'exclamations impatientes. Sur le pas de la porte, penchée en avant, comme en équilibre sur un balcon trop étroit, mama m'ouvre ses bras; de chaque côté de ses épaules, la tête de zia, la tante, et de Fanny, la soeur. Au fond de la pièce, dans son fauteuil, yaya sourit à l'aveuglette. Mama me serre contre sa robe fleurie qui lui fait un corps de printemps, elle est heureuse que je sois venue pour Christougenna, pour son fils. Vangelis est l'homme de la maison, et en Grèce traditionnelle, on n'imagine pas un foyer sans homme, on n'imagine pas un ancien dans une maison de retraite, on n'imagine pas une soeur célibataire sans son frère. C'est ce qui finira par nous séparer, mais cette vie pêle-mêle ne m'a jamais choquée, ce gynécée étourdissant ne m'a jamais fatiguée. Je me suis laissée entrainer dans ce tourbillon bruyant car vangelis peut m'entrainer partout, il a cette faculté légère de m'ouvrir toutes les portes. Il est bien plus jeune que moi et pourtant, il est mon minotaure qui connait tous les chemins du labyrinthe.

Tout le monde est endormi. Dans mon demi-sommeil paisible, je le sens remonter doucement le drap sur mon épaule. Il est attentif quand il me croit loin; mais je ne suis jamais bien loin de Vangelis. Je suis chez moi.

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